Sexualité chrétienne
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Article de Jean-Marie GUENOIS dans La Croix

Aller en bas

Article de Jean-Marie GUENOIS dans La Croix Empty Article de Jean-Marie GUENOIS dans La Croix

Message  Admin Dim 16 Nov - 23:20

L’Eglise et la théologie du corps

Il y a vingt ans Jean-Paul II consacrait tout un enseignement à la sexualité. L'un des apports les plus originaux de ce Pape selon George Weigel

On croit rêver. Un adversaire du christianisme brocardait il y a bien longtemps les disciples du Christ : philosômaton genos, le « peuple qui aime le corps » ! Le philosophe Celse vivait au IIe siècle, il méprisait le corps : sôma sêma, le corps est un tombeau. C’était un bon disciple de Platon. Il s’inquiétait de voir les adeptes de la nouvelle religion célébrer un Dieu incarné. Pire, d’accorder dignité jusque dans la mort à une dépouille physique ruinée.

Celse, s’il avait vécu plusieurs siècles, se serait réjoui de voir les chrétiens prendre progressivement le corps en grippe. L’enveloppe, «prison de l’âme» et devenue l’ennemi à abattre ; un mépris professé, par ces mêmes chrétiens, pour la sexualité. Il faut voir là une influence stoïcienne revue par les jansénistes… Quel regard ce Celse aurait-il porté aujourd’hui sur un autre philosophe devenu pape ? Sans doute aurait-il pensé que Jean-Paul II induit une nouvelle fois son Église dans l’erreur initiale du «peuple qui aime le corps». À moins qu’il ne se rassure de voir sans portées réelles les efforts de ce même pape pour changer la culture chrétienne vis-à-vis de la sexualité.

Vaines années de pontificat (quatre sur vingt-cinq) consacrées à ce thème, de 1979 à 1984, lors de 130 «catéchèses du mercredi». Sans suite, un corpus de 800 pages, publié ces jours-ci par le Cerf : le plus important jamais écrit par un pape sur un même sujet. Non entendu, cet enseignement conclu il y a vingt ans, jour pour jour, lors de l’audience du 28 novembre 1984.

Un des apports les plus originaux de Jean-Paul II
À moins que cette vision presque inédite de la sexualité puisse bientôt être redécouverte. Pourquoi ne deviendrait-elle pas une «bombe à retardement théologique», comme le prévoit George Weigel, le biographe américain et autorisé du pape ? Pour lui, cet enseignement sur la place du corps et de la sexualité restera l’un des apports le plus originaux de Jean-Paul II. Redécouvert, il pourrait marquer la pensée de l’Église au XXIe siècle, apaiser les relations complexes des chrétiens eux-mêmes avec la vie sexuelle, solder enfin une partie de l’héritage conflictuel des chrétiens avec la société.

C’est aussi la conviction d’Yves Semen, un philosophe qui a publié avant l’été un livre très pédagogique : La Sexualité selon Jean-Paul II, aux Presses de la Renaissance, afin d’exhumer cet enseignement. Le titre de son ouvrage devait susciter le sarcasme, c’est plutôt le contraire qui s’est produit ! L’auteur a bénéficié d’une « bonne » presse, et son livre se vend plutôt bien dans sa catégorie : un signe qui ne trompe pas quant à l’attente du public pour ce sujet.

Mais quelle est donc la nature de cet enseignement si important pour Jean-Paul II et, paradoxalement, passé presque inaperçu ? La « théologie du corps » tient en une phrase : la sexualité est une amie. Elle est aimée, voulue par Dieu, non comme une concession, un mal nécessaire pour assurer une reproduction animale, mais comme un espace divin en l’homme ! Un lieu de révélation de la puissance de l’amour, de la liberté et de la joie : soit les trois messages fondamentaux du christianisme.

Un enseignement rigoureusement théologique
«Amour» de l’autre et de sa personne, ontologiquement refusée comme «objet» mais définitivement élue comme «sujet», infiniment humaine, toujours respectable. «Liberté» ensuite, paradoxalement découverte à travers un lien tissé jour après jour avec l’autre. Non un lien de prison mais un lien de don. Don total de soi qui «révèle», au sens d’une connaissance lente, la personne à elle-même.

Elle se connaît en se donnant ; et, se donnant, reçoit sa liberté, non comme une idée, mais comme une pratique, une expérience d’épanouissement. De moins en moins attachée à elle-même, elle se sent «libérée» de la tyrannie de l’ego. «Joie» enfin y compris dans la relation sexuelle. Perçue comme une communion des personnes, couronnée par le plaisir, la sexualité se trouve reconnue sans aucun tabou ni complexe par Jean-Paul II. Il y voit la part peut-être la plus intime du divin en l’homme .

Autre élément capital de cet enseignement : il n’est pas «inventé», mais est rigoureusement théologique. Jean-Paul II se fonde essentiellement sur les textes de la Genèse. Ses prédécesseurs les connaissaient, mais ni Pie XII (qui avait reconnu en 1951 « que les couples ne font rien de mal en recherchant et en profitant du plaisir ») ni Paul VI (qui publia l’encyclique controversée Humanae vitae en 1968) ne pouvaient aboutir à une telle évolution.

Pétri de personnalisme et de phénoménologie
La différence ? L’expérience et la philosophie… Karol Wojtyla, aumônier d’étudiants et de jeunes couples, avait beaucoup travaillé ces questions en Pologne dans des cercles de réflexion. Professeur de philosophie, il était pétri du personnalisme et de la phénoménologie, réalisant dès 1960, dans son ouvrage Amour et responsabilité, une synthèse encore inédite entre philosophie et théologie sur cette question du corps et de la sexualité. Il y écrivait en effet : «Goûter le plaisir sexuel sans traiter pour autant la personne comme un objet de jouissance, voilà le fond du problème moral sexuel.»

Paul VI était informé de la qualité des travaux de l’archevêque de Cracovie. Il lui avait même demandé en 1965 de participer à la commission préparatoire de Humanae vitae : ce que les autorités polonaises de l’époque n’avaient pas rendu possible. Certes, Paul VI et lui seraient parvenus aux mêmes conclusions sur la contraception, mais la réception du texte par la société aurait sans doute été différente. Ce fut là une occasion ratée qui explique le soin pris par Jean-Paul II, dès 1979, moins d’un an après son élection sur le trône de Pierre, pour exposer avec ampleur, et sous un jour nouveau, sa vision chrétienne de la sexualité. Non pas un anti-Humanae vitae, mais un autre Humanae vitae…

Jean-Marie GUENOIS
La Croix 26/11/2004

Admin
Admin

Messages : 64
Date d'inscription : 16/11/2008

https://sexualitechretienne.forumactif.org

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum